Les Centres éducatifs fermés sont parfois confrontés à de l’hostilité. Paradoxalement, si cette solution de placement est régulièrement invoquée dans le débat public, ces centres suscitent la méfiance dans leurs territoires d’implantation du fait de leurs résidents. Souvent présentés comme des dispositifs coûteux qui obtiendraient peu de résultats, les CEF constituent pourtant une alternative à l’incarcération des mineurs. Ils ont été pensés et créés pour accueillir des adolescents auteurs d’infractions réitérées et parfois graves, qu’aucun autre dispositif n’a pu aider ni même contenir.
L’incarcération des mineurs doit être limitée. Il s’agit d’une obligation juridique, nationale et internationale. Le principe en est posé dans l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. Il a été réaffirmé par le code de la justice pénale des mineurs entré en vigueur en 2021. Ses principes en ont été confortés par la convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), adoptée par la France en 1989. Cette législation consacre la détention des mineurs comme un ultime recours : l’incarcération des mineurs permet peu d’assurer leur insertion, par la suite, dans la vie sociale et professionnelle.
Les mineurs délinquants relèvent avant tout de la protection de l’enfance. Ces jeunes doivent être accompagnés sur le temps long à tous les stades par des actions de prévention, de formation, de soin et d’insertion. C’est bien ce travail qui s’engage au sein des CEF tels que nous les portons.
La réussite des projets en CEF est multidimensionnelle et multifactorielle : elle dépend de la capacité à mobiliser des ressources de manière pertinente et coordonnée. Or, certain CEF connaissent aujourd’hui de sérieux dysfonctionnements, notamment à cause d’un manque de moyens. L’expérience de terrain du Groupe SOS, premier acteur associatif de la Protection de l’enfance, lui permet aujourd’hui de formuler les dispositions à mettre en œuvre afin de garantir l’efficacité des CEF. Toutes nécessitent d’investir des moyens suffisants et à la hauteur de l’enjeu : l’avenir des enfants placés.
Améliorer la prise en charge scolaire
L’éducation permet une meilleure insertion sociale et professionnelle. La plupart des enfants accueillis en CEF sont en décrochage scolaire depuis plusieurs mois voire années. Tous n’ont pas le même âge et des niveaux variables, pourtant, un seul professeur, se voit attribuer la lourde tâche d’enseigner un programme de l’éducation nationale à ces jeunes placés.
Cette disparité entre jeunes oblige les séances en petits groupes, et ainsi ils ne bénéficient que de quelques heures d’enseignement par semaine, ce qui est insuffisant au regard de leurs lacunes.
Nous demandons l’intervention de plusieurs enseignants de l’éducation nationale dans chaque centre afin de répondre aux besoins des jeunes et du personnel encadrant et d’assurer le lien avec les établissements scolaires de proximité.
Apporter des réponses individuelles et adaptées aux parcours
Nous accompagnons des jeunes aux parcours différents, ayant été placés en CEF pour des raisons diverses. Chaque situation nous pousse à nous remettre en question et à faire évoluer nos pratiques éducatives. La prise en charge de ces enfants relève pendant un temps de la protection judiciaire de la jeunesse mais doit rester ancrée dans la protection de l’enfance qui souvent a eu à les connaître avant la justice pénale.
Nous avons une mission de protection auprès de ces jeunes. Les équipes éducatives font face à de nombreuses typologies de jeunes, qu’il faut prendre en compte pour un accompagnement efficace, et une sortie positive. Parmi ces jeunes, certains ont des problématiques de santé mentale, accentuée par la crise sanitaire et par la désertification médicale qui ne permet pas leur prise en charge. Certains intègrent les CEF alors qu’ils et elles sont en situation d’addictions et non accompagnés pour cela.
Les Mineurs Isolés Etrangers doivent être pris en considération, par une régularisation possible de leur situation administrative. Leur arrivée en nombre sur le territoire français, couplée au manque de moyens humains, financiers et de formation pour assurer un accompagnement de qualité, conduit souvent à un non-respect de leurs droits d’enfants en danger. Ils et elles se retrouvent à la rue, déscolarisés, avec une prise en charge en santé physique et mentale insuffisante au regard de leurs parcours de migration, et leurs délits sont le plus souvent liés à une délinquance de subsistance, pour se loger, ou encore se nourrir. L’absence de perspective ne fait que les ancrer dans la délinquance.
Penser un projet éducatif mixte
Dans les prochaines années, 5 CEF inscrits dans un programme dit de « nouvelle génération » ouvriront leurs portes : ils accueilleront désormais aussi des filles. Le CEF prévu dans le Vaucluse, lui, accueillera exclusivement des jeunes filles.
En France, les filles constituent une population minoritaire parmi les enfants commettant des infractions. Cela complique leur prise en charge par le système pénal, majoritairement prévu pour accueillir les garçons. La question de leur hébergement est une préoccupation majeure, afin de leur proposer des alternatives à la détention. L’ouverture de ces cinq CEF va permettre de faire évoluer le projet éducatif, et d’apporter de nouvelles réponses au traitement de la délinquance des filles.
Renforcer l’accompagnement après la sortie
« L’après-CEF » est un moment crucial. S’il est préparé par nos équipes dès le début de la présence dans le centre, c’est parce que les premières semaines qui suivent la sortie sont particulièrement importantes et décisives pour la suite. Les services de milieux ouverts prennent le relais pour assurer le suivi des jeunes après leur sortie afin de consolider les projets : hébergement, formation, emploi, soins… Cependant, nous déplorons encore trop de sorties « sèches » ou mal préparées.
Il est essentiel de continuer à accompagner chaque jeune, même après sa sortie, afin de sécuriser sa situation. Nous proposons de travailler les sorties séquentielles, qui permettraient des retours ponctuels dans l’établissement pour un suivi continu, ou encore la création d’une mesure de milieu ouvert renforcé, soit quelques mois de placement à domicile. Il est aussi nécessaire de travailler l’implantation et le réseau des CEF afin qu’ils soient moins isolés des populations et ainsi mieux établir des liens avec le milieu de l’insertion professionnelle.
Nous proposons un suivi « hors des murs » assuré directement par les centres de placement. Cela permettrait une continuité dans l’accompagnement qui doit être fait sur le temps long pour être efficient.
Revaloriser les métiers en CEF
Les équipes des centres connaissent un taux élevé de rotation. Une crise d’attractivité, liée à la difficulté du quotidien et au manque de valorisation (financière, éloignement géographique), explique la difficulté à recruter des professionnels qualifiés. et à les ancrer durablement dans le projet. Or, ce manque d’effectif se fait ressentir inévitablement et impacte tant la cohésion des équipes que la qualité de l’accompagnement des jeunes.
Nous proposons d’allouer davantage de moyens afin d’investir dans la formation et la revalorisation salariale de tous les professionnels en CEF.
Mesurer l’impact
Il est nécessaire d’accroitre la mesure d’impact de ces dispositifs, et de mener une étude approfondie qui permettrait de rendre compte des parcours des mineurs. délinquants. placés., afin de tirer des conclusions et d’apporter des solutions pertinentes par la suite.
Garantir la diversité et la qualité des placements
Si les CEF constituent un dispositif pertinent pour certains parcours, ils ne sont cependant pas la solution miracle. Leur développement ne doit pas se faire au détriment d’autres solutions de suivi. Seuls le maintien et le développement d’une diversité de réponses pénales peuvent permettre de tracer des parcours adaptés à chaque enfant. Proposer une diversité de dispositif sur chaque territoire de référence permettrait aux magistrats d’orienter, non pas en fonction des places disponibles, mais selon les besoins de chacune et chacun.
Parmi les autres possibilités :
Les Centres Educatifs Renforcés (CER) : qui accueillent les jeunes sur de courts séjours et qui visent à rompre le contact entre un mineur délinquant et son environnement géographique, familial, social…et ainsi engager une action éducative en dehors du contexte de vie quotidienne.
Les Lieux de Vie et d’Accueil (LVA) : structures qui accueillent des enfants ou des adolescents placés, dans le but de construire leur projet d’insertion via des stages, la scolarisation, des chantiers d’insertion, ou encore des activités sportives ou de découvertes.
Les Unités d’Hébergement Diversifié (UHD) : solutions d’hébergement individuel au sein de structures collectives comme des résidences sociales ou des familles d’accueil.
Ou encore les hébergements individuels sont possibles au pénal ;