Il est temps de revenir à la raison : une personne addict est malade. Le système répressif français brouille ce message et nombreux·ses sont celles et ceux qui vivent leur addiction dans l’angoisse qu’elle soit découverte par leurs proches, leurs employeurs. Il·elle·s s’enferment peu à peu dans la spirale de l’exclusion, sans traitement ni accompagnement adéquat. La répression a démontré partout dans le monde et à toutes les époques son inefficacité et sa dangerosité.
La stigmatisation collant à l’addiction est un frein dans le soin et l’insertion des personnes concernées qui vivent honte et rejet. L’aspect multifactoriel de cette maladie suffit à démontrer que la réponse uniquement répressive est simpliste, inutile et néfaste.
On a compris que les mécanismes qui sous-tendent une consommation d’alcool sont les mêmes que pour les consommations de produits illicites. Il faut aller plus loin. L’action ne doit pas être uniquement portée par les centres spécialisés. Ces derniers doivent devenir des acteurs de la Cité et proposer des panels d’offre d’accompagnement plus large encore qu’aujourd’hui : vers la médecine de ville, vers la médecine du travail, vers la médecine scolaire et vers l’entreprise désemparée dans ces domaines. Le grand public et les personnels soignants sont encore perdus face à ces sujets. Plus de la moitié des médecins généralistes libéraux déclarent ne pas traiter leurs patient·e·s addicts comme les autres. Ce plaidoyer n’a qu’un seul but : changer notre regard sur les addictions et effacer les stigmates. C’est le préalable incontournable à l’adoption de réformes dont nous avons tant besoin et que nous promouvons ici.
Nos propositions
Dépénaliser l’usage et la possession pour usage personnel de toutes les drogues, et légaliser la culture, la vente et l’usage du cannabis dans le cadre d’un monopole public. Tous les malades doivent être traités de la même façon et la répression est un obstacle au soin des personnes ayant une addiction, démontrée inutile, coûteuse pour les finances publiques, créatrice de stigmatisation et d’exclusion : en clair, contreproductive. Concernant le cas particulier du cannabis, dont les Français·es sont parmi les plus grands consommateur·trices·s malgré une des politiques les plus répressives d’Europe, la légalisation sous monopole d’Etat permettrait à la fois le soin de celles et ceux ayant une addiction, d’importantes recettes fiscales, l’assèchement du trafic et la mise en place d’une politique de prévention par les prix bien plus efficace, comme pour le tabac.
Créer 150 Plateformes Addictions sur le territoire en fusionnant les dispositifs existants, guichet unique facilement identifiable et accessible pour les usager·ère·s, leur entourage comme pour tou·te·s les professionnel·le·s de santé. Les dispositifs spécialisés dans la prise en charge des addictions développent des actions « hors les murs » et d’accompagnement ciblées et efficaces. Cependant, ces services restent cloisonnés. La distinction entre types de dispositifs est de moins en moins pertinente car leurs compétences se chevauchent pour répondre à la réalité des besoins. Certains milieux (scolaire, de l’entreprise) ont besoin d’un accompagnement et de formation dans la prise en charge de l’addiction, et demeurent sans interlocuteur clairement défini. La création d’un guichet unique permettrait de fusionner les expertises, et de proposer un accueil du public comme des professionnel·le·s nécessitant expertise et formation. Par ailleurs, chaque Plateforme Addictions pourrait gérer une Salle de consommation à moindre risque, lesquelles peinent à dépasser le stade expérimental malgré la preuve de leur efficacité pour les usager·ère·s comme pour la pacification de l’espace public.
Distribuer et informer sur les antidotes aux overdoses d’opiacés à base de naloxone, en ciblant l’ensemble du corps médical et le grand public. La crise des overdoses aux opiacés sévit en France, et le nombre de morts ne cesse d’augmenter. Un outil efficace de réduction des risques d’overdose aux opiacés existe, à base de naloxone, pouvant sauver des vies. Mais le manque de formation et d’information du corps médical en dehors des cercles de spécialistes ainsi que la mise à disposition de cet antidote très restreinte fait obstacle à sa distribution et à son utilisation, nous privant d’un remède utile et facile d’utilisation. Les médecins libéraux, premiers prescripteurs d’opiacés et premier point d’entrée dans le soin pour l’immense majorité des Français·es doivent disposer de l’information et de formations suffisantes pour pouvoir prescrire la naloxone, et les pharmacies en délivrer sans ordonnance à des prix accessibles.