24 juin 2022 • ACTUALITÉS
Le 20 juin, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le Groupe SOS a publié les premiers résultats d’une étude autour de l’inclusion socio-professionnelle des réfugiés. Dans une interview, Yohann Marcet, Directeur Général du pôle Impact et Expertises du Groupe SOS, revient sur les résultats de cette étude.
Quel est l’objectif de cette étude ?
L’intégration des réfugiés draine encore et toujours de nombreux fantasmes. Alors que plusieurs vagues de réfugiés ont rejoint la France ces derniers mois, il nous a semblé essentiel de pouvoir appuyer les associations de terrain et les décideurs publics avec des indicateurs objectifs et concrets. Nous interrogeons au travers de cette étude unique le potentiel en matière d’insertion dans l’emploi des personnes qui obtiennent l’asile en France, quelles que soient leur nationalité, leur catégorie socio-professionnelle et leur statut. L’objectif est de voir comment notre société peut mettre en place des dispositifs performants pour pouvoir permettre l’intégration professionnelle de toutes et tous. Aujourd’hui, environ 500 réfugiés ont répondu à cette étude mais à terme l’objectif est de recueillir plus de 5000 réponses, partout en France. Nous pouvons cependant déjà en tirer plusieurs enseignements.
Quels sont-ces enseignements ?
Nous avons été surpris de voir que la grande majorité des réfugiés ukrainiens accueillis dans les centres sociaux du Groupe SOS et de nos partenaires souhaitaient rester durablement en France. Quelle que soit la nationalité, la quasi-totalité des réfugiés interrogés ont manifesté leur envie de trouver un emploi. Nous savons aussi que la diversité des profils est très riche. Beaucoup des réfugiés ukrainiens étaient cadre ou entrepreneur dans leur pays. Les compétences que les réfugiés peuvent apporter sont précieuses, notamment pour les nombreux métiers en tension. Rien qu’en Île-de-France, il y a actuellement plus de 530 000 projets de recrutement, dont 45,4% avec des difficultés pour recruter. Tout le monde peut donc s’en sortir par le haut… A condition de savoir comment intégrer ces potentiels talents dans notre monde professionnel !
Justement, l’étude met-elle en lumière les freins à l’inclusion professionnelle des réfugiés ?
Oui, cette étude nous permet d’y voir plus clair sur les freins prioritaires, tels que l’apprentissage du français, l’accès au logement, la problématique de la mobilité, la compréhension du fonctionnement du monde du travail français… Cela permet ainsi pour les associations de terrain d’avoir une approche très concrète sur laquelle s’appuyer dans leur accompagnement socio-professionnel. Nous travaillons de pair avec les équipes de Groupe SOS Solidarités spécialisées dans l’accueil des réfugiés, et les autres associations de terrain pour qu’elles puissent se saisir de ces résultats pour expérimenter et améliorer le travail déjà formidable de leurs équipes. C’est également un outil décisif pour aider les décideurs publics à arbitrer sur les bons leviers pour permettre une meilleure intégration professionnelle.
Mais les employeurs français sont-ils prêts à recruter des réfugiés ?
Beaucoup d’entreprises sont en difficultés pour recruter, comme je l’ai précisé avant. Certaines nous ont d’ailleurs déjà manifesté leur envie d’embaucher des réfugiés. Mais les freins existent aussi chez elles, malgré la bonne volonté. Nous devons repenser le recrutement traditionnel. Un exemple simple mais parlant : pourquoi demander une lettre de motivation pour des métiers qui ne nécessitent pas de travail d’écriture ? Or aujourd’hui, c’est pourtant la norme dans beaucoup d’organisations… Et donc une porte qui reste systématiquement fermée pour les réfugiés.
Si les employeurs prennent conscience du manque de pertinence de certaines pratiques, alors tout le monde en sortirait gagnant. C’est aussi tout le rôle de notre étude : cerner les points bloquants, et travailler avec les entreprises sur des processus de recrutement adaptés selon les différents métiers. Pour première étape, nous allons organiser d’ici fin 2023 un grand “job dating” entre les réfugiés et les entreprises, en mettant en place ces nouvelles pratiques.
Cette étude peut-elle changer notre manière de percevoir l’immigration ?
Je l’espère de tout cœur. Au-delà de notre devoir moral de mettre en sécurité des personnes en danger, et de la richesse culturelle que les personnes en exil nous apportent, nous osons l’affirmer : l’immigration est une immense opportunité en matière de nouveaux talents, de compétences pour notre économie. Et cela, quels que soient leur origine, leur genre, leur passé. Et nous continuerons avec plaisir à éclairer la société d’études et de mesures objectives pour qu’enfin les fantasmes laissent place à la réalité du terrain.