Naïra, elle, a pu éviter de passer par la rue. « J’ai 36 ans, je suis arménienne. Je suis mariée, j’ai deux enfants, de 10 et 6 ans. En Arménie, j’ai étudié pendant 8 ans aux Beaux-Arts. Je suis entrée en France en 2013, avec mon mari et mon premier enfant. J’ai déposé mon dossier de demande d’asile. Ça a été refusé. Pendant 4-5 ans, c’était compliqué, on est passés par plusieurs dispositifs avec mon mari et mon premier fils, alors qu’il avait à peine un an, un an et demi. Trouver un logement privé était impossible, c’était trop cher même si je travaillais. Après, on m’a orienté vers l’Adejo. Au début, ils ont réussi à me proposer un premier appartement, mais trop petit pour vivre à 4. Et cette année, on a pu en avoir un plus grand. » Chez elle, rien ne semble témoigner de ce passé difficile. Ses deux enfants partagent une chambre. Sur le mur du salon, on retrouve les œuvres de Naïra, témoignant de ses études aux Beaux-Arts. Manon, travailleuse sociale, vient régulièrement lui rendre visite pour le suivi de toutes les procédures. « L’Adejo m’a aidé à monter mes dossiers pour être régularisée. Ça a été refusé 3 fois. Là je suis en train de déposer mon 4ème dossier… j’espère que pour la 1ère fois, après 11 ans ici, ça va fonctionner. Parfois j’appelle Manon à 9h du soir pour m’aider à remplir des documents de toute urgence. Mais ça va plus loin que ça, on se parle de notre vie, de tout ! » dit-elle en riant. « Maintenant ça va mieux : mon mari a trouvé du travail, mes enfants vont à l’école, j’ai le temps de travailler, de faire du bénévolat, de suivre des cours de français. Il ne me manque plus qu’un titre de séjour, pour pouvoir avoir l’équivalence de mes diplômes. Je suis une formation de webdesigner, je pense que ça peut marcher. J’ai mille projets, après on peut parler, la réalité c’est autre chose, tant que je n’ai pas été régularisée, c’est compliqué. »
Les histoires d’Assane et de Naïra, nous le rappellent : le chemin pour trouver une « vie normale » est malheureusement très long. Mais il serait impossible sans le travail des équipes comme celle de l’Adejo. Loger en toute dignité, quelles que soient les situations, et toute l’année, ce n’est certes que l’une des dimensions de la réinsertion. Mais c’en est une condition indispensable.