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Femmes vulnérables : de l’urgence à la reconstruction

14 mars 2024 • ACTUALITÉS

62 femmes sont hébergées, tout au long de l’année, au Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Chez Simone, à Marseille. Ces femmes y sont orientées par le 115, parce qu’elles n’ont plus de toit sous lequel trouver un abri. Chacune a son histoire à porter ; pathologies psychologiques, problèmes de santé chroniques, addictions, victimes de violences, parcours migratoire… Les vulnérabilités sont multiples. Mais quelles que soient leurs natures, l’équipe du CHRS Chez Simone est présente pour être la première pierre d’une reconstruction personnelle.

Les prénoms des femmes accompagnées ont été changés.

Le CHRS Chez Simone propose avant tout une mise à l’abri d’urgence. Lorsque les femmes sont orientées au CHRS, l’équipe met à disposition un studio équipé de sanitaire et d’un coin cuisine pour 15 ou 90 jours. L’objectif premier, c’est de pouvoir les réorienter sur des dispositifs d’hébergement plus pérennes par la suite. Mais dans la réalité, si la moyenne de la durée d’hébergement est de 87 jours, certaines femmes restent plusieurs mois, voire années. Giulia, par exemple, est la plus ancienne personne hébergée au CHRS. Elle est arrivée il y a 7 ans. Originaire d’Italie, elle était venue habiter à Angers avant d’être victime de violences intrafamiliales. « J’ai été déplacée dans plusieurs hôpitaux ensuite. J’ai mis du temps à recommencer à ne serait-ce que manger. Je suis ensuite passée par cinq foyers collectifs différents, avant d’arriver ici » explique-t-elle. « Je suis tombée malade, et j’ai un problème au pied, donc je ne peux plus me déplacer. Je ne peux plus voir mon fils, qui a 15 ans. Je n’ai plus aucun lien avec ma famille en Italie. ».

Le CHRS propose 62 places d’hébergement, en studio pour 1 à 3 personnes :

  • 50 places 90 jours
  • 10 places 15 jours
  • 1 place maraude pour 1 jour,
  • 1 place Sortie d’hospitalisation
  • +10 places additionnelles de 3 jours, pendant la trêve hivernale.

L’établissement propose notamment 5 places pour personnes à mobilité réduite (PMR).

L’histoire de Giulia fait écho à celles de nombreuses femmes accueillies au CHRS Chez Simone. 50% des femmes accompagnées en 2022 présentaient des pathologies psychologiques, 20% des situations d’addictions, 30% de pathologies chroniques (diabète, maladies pulmonaires, cardiovasculaires, digestives…). 40% avaient été victimes de violences conjugales, et 10% de violences sexistes et sexuelles.

« J’ai été séquestrée par mon compagnon pendant 15 jours, violentée, violée. Je me suis échappée, sans aucune affaire. Une dame m’a trouvé sur un banc, et a appelé le 115, qui m’a orienté ici » nous raconte Stéphanie. « Arrivée ici, j’ai dormi pendant 48h d’affilée. C’était il y a dix jours. ». Sa voisine, Inès, est arrivée il y a presque 1 an. Pour elle, la précarité a commencé bien avant, quand son fils, traumatisé par une agression, a dû être pris en charge en psychiatrie. « C’est là que la descente aux enfers a commencé. J’ai commencé à payer pour l’aider à avoir le meilleur suivi possible. Je ne pouvais plus concilier le loyer et les soins spécialisés. J’ai dû quitter le logement. La famille, les amis, ils ne peuvent te loger qu’un temps… Alors toutes mes économies sont passées dans un hôtel. Je refusais de venir dans un hébergement collectif, au début. Mais un jour, j’ai été obligée d’appeler le 115 et d’atterrir ici. Je ne peux même pas sortir mon fils de l’hôpital, puisque je n’ai aucun endroit où l’accueillir ! »

Les parcours de vie qui se côtoient dans les couloirs et la cour de l’établissement sont chaotiques. Face à ces situations, l’équipe du CHRS Chez Simone, en première ligne, réalise un travail essentiel. 

Pour les soutenir et les accompagner vers une vie plus stable, l’équipe est pluridisciplinaire et aborde tous les aspects de la vie : accueillantes de jour, veilleuses de nuit, travailleuses sociales, infirmière, psychologue, agents d’entretien, agent technique, assistante administrative, maîtresses de maison… « Chaque nouvelle femme qui arrive est accueillie avec soin, quelle que soit la durée d’hébergement prévue. » explique Agnès, cheffe de service. « L’équipe leur fait un entretien d’accueil. On distribue toujours un kit d’hygiène complet, qui est renouvelé tous les 15 jours pour les personnes sans ressources : shampoing, gel douche, brosse à cheveux, serviettes hygiéniques, tampons… » Des vêtements sont également distribués pour celles qui en ont besoin. Stéphanie témoigne « Elles m’ont accueillie, j’étais en morceaux. Heureusement que des lieux comme ceux-ci existent ».

Tous les jeudis après-midi, l’infirmière, la psychologue, et les travailleuses sociales se réunissent. Elles peuvent ainsi se coordonner et faire part des besoins soulevés qui peuvent concerner les autres professionnelles. Elles sont en lien étroit avec les veilleuses de nuit, les accueillantes de jour, les agents d’entretien et maîtresses de maison qui échangent aussi avec les femmes accueillies, et sont des pièces essentielles de la vie collective. L’équipe sociale est présente tous les jours. Aujourd’hui, Léa et Alissia, toutes deux travailleuses sociales, sont présentes. Léa fait la matinée et le début d’après-midi, avant de passer le relai à Alissia, qui restera jusqu’à l’arrivée des 2 veilleuses de nuit. « On peut voir chaque dame une fois par semaine, une fois par mois, c’est variable. Ça dépend des besoins et des demandes » explique cette dernière. « Nous voulons mettre en place des projets personnalisés pour toutes les dames venant pour 90 jours. L’idée c’est que chaque femme puisque construire ses propres objectifs. Il y a plusieurs thématiques possibles : le logement, les loisirs, l’emploi, la santé… ». Léa complète : « On fait des entretiens avec les dames, pour faire des points réguliers sur leur situation sociale. On les aide à ouvrir leurs droits, à ouvrir un compte en banque, à demander le RSA… »

Le rôle de l’infirmière, Sarah, est aussi central, pour pouvoir assurer un accès aux soins rapide. Pour les victimes de violences, évidemment, mais plus globalement car la précarité, et encore plus les parcours de rues, entraînent des stigmates corporels. On retrouve aussi beaucoup de femmes présentant des troubles psychologiques, qui n’ont pas de trouvé de places en hôpital psychiatrique, et se retrouve en rupture de traitements et de suivi. « Ce sont des situations complexes à gérer, il faut remettre peu à peu le suivi en place pour des personnes qui peuvent y être réfractaires. Mais on est souvent agréablement surprises. Car quand elles se sentent bien ici, quand on arrive à créer du lien, elles retrouvent un équilibre, et ça tient. » 

« J’aimerai déjà retrouver un logement. Pour moi, le logement, c’est un préalable obligé pour retrouver un emploi. Je ne peux pas reprendre un emploi, si je suis comme ça. Il faut déjà avoir des repères, pour travailler. Un toit d’abord, le travail après. »

Une femme accompagnée au CHRS

« Créer du lien », c’est justement une dimension essentielle pour ces femmes, très isolées à leur arrivée. « Sans toit, on perd tous nos repères, moi je suis complètement perdue, déconnectée. On n’a pas de relation amicale, ni familiale. On n’est plus en état de travailler… On coupe les liens avec le monde extérieur en quelques sortes. Quand on n’a plus d’adresse, déjà, on n’existe plus pour la société. » Ici, elles retrouvent une vie en communauté. « Avec le parcours de chacune, on arrive un peu à relativiser, à se dire que chacune a ses problèmes. Il y a des chamailleries bien sûr. Mais il y a un attachement, il y a de la solidarité… ». Dans la cour ou dans le hall d’entrée, à toute heure de la journée, on peut les voir ensemble fumer une cigarette, boire un café, prendre le goûter. Les discussions vont bon train, avec ou sans les professionnelles de l’établissement. Une nouvelle salle polyvalente, en cours de construction dans la cour, est très attendue par certaines, pour se retrouver, cuisiner, faire des activités ensemble.

C’est ainsi, à travers ce lien social et l’accompagnement attentif et pluridisciplinaire de l’équipe, que le CHRS Chez Simone accompagne peu à peu les parcours de vie difficiles vers un rétablissement. Les professionnelles rappellent régulièrement que leur rôle est temporaire. « On essaye au maximum de les orienter vers un accompagnement social à l’extérieur, pour qu’elles continuent à être suivies après leur sortie d’ici. On en a parfois qui refusent de partir vers d’autres dispositifs plus durables, parce qu’elles se sentent bien ici, elles ont leurs amies, elles ont trouvé un équilibre » explique Léa avec un sourire. « Il faut leur expliquer gentiment que c’est pour le mieux. ».

Aujourd’hui, Giulia est simplement heureuse d’avoir pu « trouver une superbe famille ici », comme elle le répète souvent. Stéphanie passe des entretiens pour retrouver un travail dans le milieu bancaire, elle qui a arrêté de travailler 7 ans auparavant pour son conjoint. Inès a lancé de multiples démarches pour avoir un logement social. En attendant, elle commence déjà à réfléchir à un projet qui lui tiendrait à cœur. Elle travaillait dans le milieu du cinéma. Elle réfléchit à un scénario pour partager toutes les histoires de vie qu’elle a rencontré ici, mais « sans tomber dans le drama » comme elle l’explique.

Giulia, Stéphanie et Inès ont encore du chemin à parcourir vers le rétablissement. Le retour à une vie normale est forcément long après de tels parcours. Mais elles nous rappellent que même après avoir tout perdu et malgré les épreuves passées, un nouvel avenir peut se construire.

Crédits Photos : ©Brian dH

Pour que l’égalité des genres bénéficie à toutes et tous, y compris aux femmes les plus exclues

Depuis 40 ans, le Groupe SOS accueille, héberge et accompagne des milliers de femmes vulnérables au sein de ses établissements sociaux et médico-sociaux. Le Groupe SOS a formulé 10 recommandations, pour que l’égalité de genre bénéficie enfin à toutes.

 

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