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Centres éducatifs fermés : tout sauf emprisonner !

22 mars 2023 • ACTUALITÉS

Les CEF ont été créés par la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002. Ils accueillent des jeunes en conflit avec la loi, multirécidivistes. 6 sont gérés par le Groupe SOS, qui va en ouvrir 5 autres dans les prochaines années. Pourquoi le Groupe SOS est-il engagé pour ces dispositifs, qui rencontrent régulièrement de nombreuses hostilités ?

Les enfants délinquants sont avant tout des enfants en danger. L’incarcération des mineurs dans les établissements pénitentiaires – même spécialement aménagés, est contre-productif. Le Groupe SOS en est convaincu : les CEF, qui mettent l’éducation au cœur de leurs projets, sont l’un des outils indispensables à la justice pénale des mineurs. Plongée au cœur de ce dispositif, trop souvent méconnu.

Une journée au CEF de Saverne

Au cœur de Saverne, petite ville du Bas-Rhin non loin de Strasbourg, le Centre éducatif fermé (CEF) de Saverne accueille 12 jeunes en conflit avec la loi. « Fermé » : un mot trompeur quand on apprend à connaître cet établissement. Être à l’écoute du parcours de chaque jeune, s’intégrer dans la vie locale : le plus ancien CEF du Groupe SOS nous dévoile son quotidien et son projet éducatif.

Logé entre une avenue passante et un chemin de promenade le long d’un canal, l’établissement se fond parfaitement dans le décor de la ville de Saverne.

Il accueille 12 garçons, qui ont entre 13 et 16 ans au moment de l’admission. Ils sont placés pour 6 mois (renouvelable une fois) sous mandat de justice : avant le jugement par mesure de sûreté, après une condamnation à la prison avec sursis ou dans le cadre d’un aménagement de peine.« Dans l’idéal, nous avons le temps de préparer l’accueil d’un nouveau jeune qui arrive » nous explique Saïda Rousseau, la directrice adjointe. « Cela permet de proposer une visite de préadmission avec le jeune et la famille, de présenter l’établissement. Ça c’est le top ! Mais c’est malheureusement un luxe… » Actuellement 90 % des demandes de placement sont des demandes d’accueil en urgence.

Mais en urgence ou non, l’accueil est toujours préparé avec rigueur et bienveillance. Car beaucoup se joue à ce moment-là. « Les jeunes viennent de vivre pour la plupart une garde à vue de 48h, ils ont ensuite voyagé, parfois pendant plusieurs heures, et ils arrivent souvent avec juste un sac poubelle contenant quelques vêtements », nous dévoile Saïda. À leur arrivée, leur chambre est prête, des vêtements sont mis à disposition, un repas est mis de côté pour qu’ils puissent manger, un cadre de l’équipe est toujours présent, même en plein milieu de la nuit. Des petites attentions, mais qui donnent le ton pour la suite du placement : « prendre soin » du jeune, dans toutes ses dimensions.

 

La première étape pour que l’équipe éducative puisse développer un accompagnement, c’est de mettre en place une relation de confiance et de respect mutuel. Pas simple pour des jeunes qui ont souvent côtoyé des adultes défaillants dans leur parcours. Pour cela, Saïda est catégorique : il faut être transparent avec les jeunes. « Tout ce qui les concerne, on leur en fera part. On les fait se sentir en sécurité, on leur explique tout. Une fois qu’ils ont compris qu’on est là pour eux, alors nous n’avons pas besoin d’imposer notre autorité. C’est eux qui nous la donnent ». Et à partir de là, l’équipe peut plus facilement rentrer dans le vif du sujet : le bien-être du jeune.

Natacha, la psychologue, voit les jeunes individuellement chaque semaine. « Plein de choses sont possibles en fonction de leurs besoins. Je fais en sorte que le suivi, qui au début est vu comme une contrainte, devienne un moment auquel ils adhèrent. Mon bureau est un endroit sûr pour eux, une bulle où ils peuvent tout me confier : comment s’est passé leur audience, mais aussi leur week-end, leur relation avec leur famille, leur copine… Il faut qu’ils passent un bon moment ». Cela semble marcher, puisque le bureau de Natacha est décoré de cadeaux faits main par des jeunes…

Plus largement, la vie est organisée pour que chaque jeune puisse mieux se connaître, tester, se questionner, se projeter. Au CEF, tous les professionnels ont une mission éducative, et c’est dans tous les actes du quotidien que les savoirs et les compétences de vie se transmettent.

En semaine, les activités scolaires commencent dès 8h30, jusqu’à 16h30. Les garçons ont un emploi du temps individualisé et participent aux différentes activités scolaires, toutes encadrées avec bienveillance par les professionnels. Une professeure des écoles spécialisée mise à disposition par l’éducation nationale vient donner des cours en petit groupe. Nous retrouvons deux garçons à l’atelier manuel et technique pour apprendre à travailler le bois avec Jean-Yves, éducateur technique. Q se concentre pour coller des lettres en bois qu’il a façonnées, et créer un panneau « école élémentaire ». Dans la salle de sport, juste à côté, M apprend à faire du renforcement musculaire. Sûrement boosté par notre présence et sous l’œil amusé de Régis, éducateur, il enchaine les tractions et les développés-couchés. Pendant ce temps, D s’est vêtu d’un tablier blanc et a retrouvé le chef Bruno dans la cuisine, qui lui explique comment préparer le repas du jour. Laura, l’infirmière, anime quotidiennement les ateliers de prévention et de promotion de la santé.

« Nous avons à cœur de rendre les jeunes acteurs de leur placement et plus globalement de leur vie»

Saida Rousseau, Directrice du CEF de Saverne

Rien de tout cela n’est fait au hasard, et a été travaillé par tous les adultes du CEF: « Nous voulons que les jeunes aient les outils pour faire des choix éclairés » explique Saïda. « Nous avons à cœur de rendre les jeunes acteurs de leur placement et plus globalement de leur vie ». Et cela passe par tous les détails. Les adolescents participent au fonctionnement de l’établissement via un conseil participatif. Ils font le ménage des chambres et des sanitaires. Ils aident à faire les repas. Ils participent à l’écriture de CANAL CEF, un journal écrit par l’établissement. C’est d’ailleurs avec un brin de fierté difficilement caché que M nous montre les articles qu’il a écrits, sur Madagascar où il avait vécu 9 mois, et sur le Bike Life, sa passion.

Un peu d’histoire…

Lorsque le CEF de Saverne a lancé son activité en 2005, c’était le 8e CEF à ouvrir en France, et le premier à être sorti de terre. L’emplacement a donc été choisi en fonction du projet éducatif : dans la ville, pour l’ouverture. Et près d’un canal, car le premier projet tournait autour de la réhabilitation d’un bateau-école !

« On souhaite sincèrement que chaque jeune puisse s’en sortir » nous confie Mohamed éducateur spécialisé au CEF depuis 2013. Q a par exemple décroché un deuxième CDD pour faire de l’animation périscolaire avec la ville de Saverne. Un autre jeune vient de commencer un stage, avec pour objectif de passer un CAP Coiffure plus tard.

La préparation à la sortie de l’établissement est d’ailleurs un indispensable pour l’équipe du CEF. Et pour préparer une réinsertion dans la société, quoi de mieux que de ne jamais les en exclure ? C’est le parti pris du CEF. Si c’est possible, le lien avec la famille est maintenu : les jeunes peuvent rentrer le week-end, les éducateurs échangent régulièrement avec les parents. L’équipe essaye dès que possible d’inscrire les garçons dans la vie locale. Certains jeunes sont scolarisés dans les écoles de la ville. Des actions sont faites avec d’autres associations. Le CEF a un projet traiteur « CEF Event’s » et propose de réaliser des buffets à destination des partenaires ou lors d’évènements phares comme l’audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Saverne en janvier dernier. « Voir les jeunes servir la justice, c’était un symbole fort » raconte Saïda.

Bien sûr, derrière ces réussites et beaux projets, la vie en CEF n’est pas de tout repos, loin de là. « Nous devons avoir une vigilance de tous les instants. Si un jeune ne respecte pas ses obligations judiciaires, il peut potentiellement faire de la détention » rappelle Saïda. Des incidents peuvent arriver mais ne résument pas le parcours du jeune. « Au CEF de Saverne, notre approche et notre accompagnement sont orientés solutions. Nous essayons de répondre aux besoins identifiés des jeunes pour leur permettre de bien grandir ». Dans un dernier échange, Mohamed résume parfaitement le cœur de l’équipe de l’établissement : « Faire en sorte que les gamins puissent construire un projet, et qu’ils puissent se sortir de la spirale dans laquelle ils étaient. Ce n’est pas toujours facile, mais on sait que pour les jeunes non plus ».

Un lieu serein, un lien bienveillant, des besoins écoutés et des projets adaptés pour correspondre à chaque jeune, malgré des passés difficiles et tous uniques. C’est là toute la force du CEF de Saverne.

DE LA RÉPRESSION À L’ÉDUCATION !

LES PROPOSITIONS DU GROUPE SOS POUR LES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS

Pour aider les jeunes en conflit avec la loi à sortir de la spirale de l’illégalité, il est indispensable que leur accompagnement soit mené dans un objectif éducatif. C’est ce que prouvent les 6 centres éducatifs fermés du Groupe SOS. En s’appuyant sur l’expérience de ses équipes de terrain, le Groupe SOS revendique auprès des autorités et de la société civile des changements nécessaires pour que les CEF puissent accomplir leur mission au mieux : permettre à chaque jeune de retrouver un chemin serein vers la société.

FAIRE INTERVENIR PLUSIEURS ENSEIGNANTS DE L’ÉDUCATION NATIONALE DANS CHAQUE CENTRE

Aujourd’hui, un seul professeur doit enseigner un programme de l’éducation nationale à des jeunes d’âges et de niveaux très différents, et doit donc répartir son temps entre les jeunes. Dans les faits chacun ne peut recevoir que quelques heures d’enseignement chaque semaine… alors qu’ils sont pour la plupart déjà en décrochage scolaire depuis des mois ou des années.

APPORTER DES RÉPONSES INDIVIDUELLES ET ADAPTÉES AUX PARCOURS

Les équipes éducatives font face à de nombreuses typologies de jeunes : problématiques de santé mentale, situations d’addictions, mineurs non accompagnés, victimes d’abus sexuels… De nombreux freins personnels, de santé, sociaux et administratifs peuvent venir complexifier la prise en charge par les équipes des CEF. Les programmes et ressources des établissements doivent pouvoir apporter des réponses, quels que soient ces freins.

PENSER UN PROJET ÉDUCATIF MIXTE

En France, les filles constituent une population minoritaire parmi les enfants commettant des infractions. Cela complique leur prise en charge par le système pénal, majoritairement prévu pour accueillir les garçons. La question de leur hébergement est une préoccupation majeure. Nous devons leur proposer des alternatives à la détention, au même titre que les garçons.

RENFORCER L’ACCOMPAGNEMENT APRÈS LA SORTIE

« L’après-CEF » est un moment crucial dans chaque parcours. S’il est préparé par nos équipes dès le début de la présence dans le centre, c’est parce que les premières semaines qui suivent la sortie sont particulièrement importantes et décisives pour la suite. Les services de milieux ouverts prennent le relais pour assurer le suivi des jeunes après leur sortie afin de consolider les projets : hébergement, formation, emploi, soins… Cependant, nous déplorons encore trop de sorties « sèches » ou mal préparées. Le Groupe SOS propose un suivi « hors des murs » assuré directement par les centres de placement. Cela permettrait une continuité dans l’accompagnement, qui doit être fait sur le temps long pour être efficient.L’expérience de la prise en charge dans les CEF nous montre que ces établissements ont toute leur place dans le panel des solutions éducatives pour les mineurs. Pour pouvoir mieux expliquer l’intérêt des CEF, il est nécessaire de mener une étude approfondie pour mieux mesurer l’impact de ces dispositifs, avec des indicateurs objectifs, afin de tirer des conclusions et de continuer à améliorer ces dispositifs précieux pour de nombreux enfants.

MESURONS L’IMPACT !

L’expérience de la prise en charge dans les CEF nous montre que ces établissements ont toute leur place dans le panel des solutions éducatives pour les mineurs. Pour pouvoir mieux expliquer l’intérêt des CEF, il est nécessaire de mener une étude approfondie pour mieux mesurer l’impact de ces dispositifs, avec des indicateurs objectifs, afin de tirer des conclusions et de continuer à améliorer ces dispositifs précieux pour de nombreux enfants.

ALLER PLUS LOIN : GARANTIR LA DIVERSITÉ ET LA QUALITÉ DES PLACEMENTS

Si les CEF constituent un dispositif pertinent pour certains parcours, le Groupe SOS est conscient qu’il n’est pas la solution pour toutes et tous. Leur développement ne doit pas se faire au détriment d’autres solutions de suivi. Seuls le maintien et le développement d’une diversité de réponses pénales, toujours dans une mission éducative, peuvent permettre de tracer des parcours adaptés à chaque enfant. Proposer une diversité de dispositif sur chaque territoire de référence permettrait aux magistrats d’orienter, non pas en fonction des places disponibles, mais selon les besoins de chacune et chacun. Parmi les autres possibilités :

Les Centres Éducatifs Renforcés (CER) qui accueillent les jeunes sur de courts séjours et qui visent à rompre le contact entre un mineur délinquant et son environnement géographique, familial, social… et ainsi engager une action éducative en dehors du contexte de vie quotidienne.

Les Lieux de Vie et d’Accueil (LVA) structures qui accueillent des enfants ou des adolescents placés, dans le but de construire leur projet d’insertion via des stages, la scolarisation, des chantiers d’insertion, ou encore des activités sportives ou de découvertes.

Les Unités d’Hébergement Diversifié (UHD) : solutions d’hébergement individuel au sein de structures collectives comme des résidences sociales ou des familles d’accueil.

Les hébergements individuels qui sont possibles au pénal.

D’UNE LOGIQUE DE RÉPRESSION À CELLE DE L’ÉDUCATION :

GARANTISSONS LES MÊMES CHANCES À CHAQUE ENFANT !

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